Dimanche 21 septembre, l’équipage, les stagiaires et le pilote du port sont à bord, le Belem appareille à 10h du quai n°3 de Roscoff pour une navigation de 30h en direction de Cherbourg. Les prévisions météorologiques ne sont pas clémentes : un fort vent de nord-est est prévu et les coefficients de marée sont importants, ce qui ne facilite pas la tâche. Une fois le pilote débarqué, les matelots gabiers instructeurs procèdent à la « ronde des cabillots » : ils apprennent aux stagiaires le vocabulaire et les gestes à avoir lors des manœuvres. Dès le début d’après-midi, alors que le vent souffle déjà du nord-est pour 4 Beaufort, les deux étages de voiles d’étai, les basses voiles, les huniers fixes et les volants sont hissés l’un après l’autre. Les moteurs sont stoppés et nous naviguons à la voile vers le nord-nord-ouest. Le Belem n’étant pas fait pour naviguer contre le vent, et ayant des horaires à respecter, il faut rapidement carguer, affaler et serrer toutes ces voiles afin de faire route au moteur vers notre destination. La manœuvre est périlleuse : une pluie torrentielle tombe sur le pont, la mer est forte et le vent monte jusqu’à 45 nœuds. On comprend dans ces moments pourquoi il faut être si nombreux sur le pont. À 17h, le Belem navigue au moteur contre le vent, la mer et la pluie, et ce presque jusque Cherbourg. Le navire tangue et roule, chaque déplacement est un vrai effort, les assiettes ne tiennent pas sur la table et l’appétit ne vient pas ; on se demande d’ailleurs encore comment les cuisiniers ont réussi à faire à manger pour tout le monde. Seul le sommeil fait du bien, pour ceux qui arrivent à s’endormir.
Lundi 22 septembre, l’île de Sark est laissée sur bâbord en fin de nuit. Les quarts étaient facultatifs pour les stagiaires : seuls quelques courageux sont venus soutenir l’équipage pendant 4h, de 20h à 00h pour les premiers, 00h-04h pour les seconds et enfin 04h-08h. Nous entrons dans le Raz Blanchard vers 12h ; le créneau est court, la renverse est prévue à 13h. Arriver trop tôt est dangereux : 7 nœuds de courant contraire au vent, qui souffle toujours du nord-est pour 7 Beaufort, forment une mer déchaînée que nous n’avons pas envie de voir. Mais si nous arrivons trop tard, le courant contraire nous empêchera d’avancer pendant plusieurs heures. Ce coup-ci, le Belem passe légèrement trop tard, ce qui nous oblige à augmenter la puissance des moteurs à leur maximum. Entre-temps, le pilote du port de Cherbourg nous appelle pour nous demander d’arriver avec deux heures de retard : selon lui, les conditions météo ne sont pas propices pour mettre le Belem à quai pour l’instant, mais le vent doit mollir en fin de journée. Le pilote embarque donc à 17h, le Belem, aidé d’un remorqueur, est à quai à 18h, et les stagiaires, qui viennent de vivre une expérience dont ils se souviendront, quittent le bord.
Votre commandant Mathieu Combot